La persistance et circulation au sein de certains élevages bovins français de Mycobacterium bovis, agent de la tuberculose bovine, questionne l’efficacité du système de surveillance de cette maladie. Dans ce contexte, dans un premier temps, nous avions pour objectif de collecter des données qualitatives sur la réalisation par les vétérinaires de l’acte de dépistage par intradermotuberculination et sur leur perception de la lutte contre cette maladie afin de réaliser, dans un second temps, une estimation quantitative de ces pratiques et perceptions. Les résultats ont montré l’existence de non-conformités dans la réalisation de l’acte, notamment dans le choix du site d’injection, la vérification de la qualité de l’injection et la lecture des résultats. Des pratiques de sous-déclaration des résultats ont également été identifiées comme fréquentes. Les données relatives à la perception témoignaient d’une réelle conscience de la nécessité de la lutte et d’une certaine abnégation des vétérinaires, compte tenu des contraintes de terrain (techniques et pratiques) qui apparaissaient être un réel frein à la bonne réalisation du dépistage. Une perception positive de l’acte et de la lutte semblait associée à de meilleures pratiques, renforçant l’idée qu’une sensibilisation continue des vétérinaires est nécessaire, du besoin de limiter la pénibilité (meilleure contention) et de renforcer l’attractivité (rémunération, relationnel avec les autorités sanitaires, …) de la réalisation de ces dépistages.
Numéro 90 Novembre 2020
Editorial
Dans ce numéro de Novembre 2020, vous trouverez cinq articles et une brève en santé animale. Les deux premiers articles font particulièrement écho à l’actualité sanitaire chez l’Homme et l’animal. Dans le contexte global de la Covid, François Moutou présente dans le premier article l’ordre des Chiroptères en insistant particulièrement sur les aspects de leur biologie pouvant se traduire en termes de vecteurs ou de réservoirs pour différents microorganismes, dont les coronavirus. Le deuxième article traite d’influenza aviaire alors que le niveau de risque a été relevé ces dernières semaines en raison de l’explosion du nombre de contaminations en Europe du Nord et que le 1er foyer en faune domestique vient d’être détecté en France. Les résultats de surveillance obtenus dans l’étude menée par l’Anses et le Synalaf montrent que le risque d’exposition aux virus d’influenza aviaire lié à l’élevage plein air peut être limité par les mesures de biosécurité visant à réduire le contact volailles – oiseaux sauvages, telles que la claustration en période à risque.
La tuberculose fait l’objet de deux articles dans ce numéro. Le premier dresse un bilan sur la tuberculose bovine dans un département indemne après la découverte en 2015 d’un sanglier infecté. Le second est une étude qui pointe des pistes d’amélioration dans les pratiques de dépistage de la tuberculose bovine, ces pistes ayant été prises en compte depuis dans le plan de lutte national contre la tuberculose, notamment via des mesures financières d’accompagnement.
Le cinquième article de ce numéro évalue les coûts de surveillance de la fièvre catarrhale ovine en France suite à la résurgence de 2015. Il montre l’importance de la connaissance des coûts des systèmes de surveillance pour l’évaluation de l’efficience de chaque dispositif, et à l’identification des pistes d’amélioration pour répondre aux enjeux à la fois sanitaire et budgétaire imposés par des contraintes toujours plus importantes.
Enfin, une brève fait le point sur l’identification d’un nouveau virus influenza porcin H1avN2 dans plusieurs élevages en Bretagne. Cette analyse confirme l’intérêt d’un suivi rapproché des futurs épisodes grippaux dans les élevages à risque, ainsi que la poursuite des actions de surveillance des swIAVs par l’ensemble des acteurs impliqués afin d’appréhender l’installation ou non de ce nouveau virus dans les élevages français.
La réorganisation du bulletin épidémiologique se poursuit avec la mise en ligne des articles au fur et à mesure de leur production et la mise en place prochaine d’un système d’alerte automatique sur les publications.
Au sommaire
Articles
Situation sanitaire favorable vis-a-vis de l’influenza aviaire des poulets label rouge et biologiques en France en 2018
L’élevage de poulets de chair en plein-air connaît un développement constant en France mais l’accès des volailles à l’extérieur peut entraîner un risque accru d’exposition des animaux aux virus de l’influenza aviaire (IA) pouvant circuler dans l’avifaune sauvage. Une enquête sérologique a été menée volontairement par le Synalaf, syndicat représentant les productions avicoles plein air Label Rouge et biologiques en France, entre mars et juillet 2018. L’objectif était de détecter une éventuelle circulation de l’IA chez ces volailles à la suite de l’épizootie d’IA hautement pathogène survenue à l’hiver 2016-2017 en France. Cent-dix lots de poulets de chair plein-air ont été prélevés dans onze abattoirs de dix départements. Cinq sérums par lot ont été analysés par ELISA NP ciblant tout sous-type de virus Influenza A. Aucun sérum et aucun lot de poulets n’ont été détectés positifs. La séroprévalence des lots de poulets plein-air vis-à-vis de l’IA était donc de 0 % (intervalle de confiance à 95 % [0,0-3,4]). Ce résultat, comparable à ceux précédemment obtenus dans les enquêtes sérologiques nationales entre 2009 et 2015, montre que les mesures de biosécurité appliquées en élevages de poulets de chair plein-air contribuent à limiter le risque d’exposition de ces volailles aux virus.
Évaluation des coûts liés aux dispositifs de surveillance de la fièvre catarrhale ovine en France continentale suite à la résurgence de 2015
La nécessité de disposer de systèmes de surveillance efficients des maladies infectieuses animales rend nécessaire des études sur le coût de ces dispositifs. L’objectif de ce travail était de quantifier les coûts de la surveillance de la fièvre catarrhale ovine (FCO) au sein de la filière bovine et du suivi entomologique à la suite de la résurgence du sérotype 8 de la FCO en France continentale en septembre 2015. Les honoraires vétérinaires ont été extraits des conventions départementales entre les professions vétérinaires et agricoles et de la réglementation, les coûts unitaires des analyses ont été fournis par laboratoires agréés et le volume de chaque opération a été obtenu du système d’information de la DGAl (Sigal), du Laboratoire national de référence FCO et du Cirad. Entre septembre 2015 et décembre 2016, le coût total des opérations de surveillance en filière bovine a été estimé à 14,4 M€ HT, incluant 8,6 M€ HT pour les dépistages pré-mouvements à la charge des éleveurs, 4 M€ HT pour les enquêtes programmées, 1,6 M€ HT pour la gestion des suspicions, et 148 k€ HT pour la surveillance évènementielle, prises en charge par l’Etat. Le coût des opérations de surveillance entomologique a été estimé à 214 k€ HT, payés par l’Etat. Ces estimations sont sous-estimées car elles ne prennent pas en compte les coûts liés à la gestion administrative et à l’animation du dispositif de surveillance bovine. La connaissance des coûts du système de surveillance est un travail nécessaire à l’évaluation coût-efficacité de chaque dispositif, et à l’identification des pistes d’amélioration pour répondre aux enjeux à la fois sanitaire et budgétaire imposés par des contraintes toujours plus importantes.
Brèves
Identification d’un nouveau virus influenza porcin H1avN2 dans plusieurs élevages en Bretagne
Des virus influenza A porcins (swIAVs) de quatre lignages génétiques sont connus pour circuler de manière enzootique dans les élevages de porcs en Europe. Les swIAVs enzootiques les plus fréquemment rencontrés en France appartiennent aux lignages H1avN1 et H1huN2. D’autres virus sont également détectés sporadiquement, notamment de lignage H1avN2, issus de réassortiments générés à la faveur de co-infections, par des virus porcins enzootiques, ou des virus porcin et humain (Tableau 1, #C et #D), ou introduits depuis un autre pays. Les analyses génétiques et antigéniques approfondies réalisées par l’Anses en aval des actions de surveillance des swIAVs qui circulent sur le territoire, actions menées parallèlement par le réseau national Résavip, CEVA et l’Anses, ont récemment permis d’identifier un virus H1avN2 d’un nouveau génotype en Bretagne.
Articles
L’apport des chiropteres à l’épidemiologie
Les chauves-souris ou Chiroptères intéressent les épidémiologistes et les responsables de santé publique depuis moins longtemps que d’autres groupes de mammifères. Néanmoins, depuis la fin du siècle précédent, plusieurs émergences de maladies nouvelles ont fait réaliser que les seuls mammifères volants occupaient peut-être une place privilégiée dans l’étude et la compréhension de certains cycles épidémiologiques.
Pour vérifier si cette hypothèse est réaliste cette revue se propose de débuter par une présentation générale de l’ordre des Chiroptères en insistant particulièrement sur les aspects de leur biologie pouvant se traduire en termes de vecteurs ou de réservoirs pour différents microorganismes. Comme la science des chauves-souris, la chiroptérologie, est elle-même assez jeune, il reste encore beaucoup d’avancées à réaliser dans ce domaine. De nombreuses questions sont toujours ans réponse.
La seconde partie de cet article passe en revue quatre familles virales pour lesquelles les Chiroptères semblent jouer un rôle épidémiologique particulier et où se trouvent quelques virus responsables d’infections potentiellement lourdes de conséquences.
La conclusion propose quelques éléments autour d’une relation apaisée humains - chauves-souris.
Tuberculose bovine : bilan de la surveillance 2015-2018 en Sologne suite à la découverte d’un sanglier infecté en 2015 dans un département indemne
Cet article dresse le bilan de la surveillance mise en œuvre à la suite de la découverte, lors d’une opération de chasse, d’un sanglier infecté par Mycobacterium bovis en janvier 2015 dans le Loir-et-Cher, département indemne de tuberculose bovine en élevage depuis 1986. De 2015 à 2018, les mesures de prophylaxie en élevage ont été appliquées conformément aux prescriptions réglementaires, tout comme celles relatives à la surveillance de la faune sauvage en milieu ouvert (353 sangliers et 269 cerfs analysés, correspondant à un taux de réalisation de l’échantillonnage de 269 % et 207 % respectivement) et dans les territoires clos (taux de réalisation moyen de 107 % pour les sangliers et de 100 % pour les cerfs). Dans ces territoires privés, le déploiement des mesures de surveillance à l’échelle de plusieurs parcs et enclos est une situation inédite en France. Aucun autre animal infecté par la tuberculose bovine que le sanglier de 2015 n’a finalement été détecté. Le profil génétique de la souche de M. bovis de ce sanglier ne correspond à aucun des profils de souches connues comme circulantes ou ayant circulé depuis 40 ans en France, et est à ce jour non décrit à l’étranger. Aussi, la ré-émergence d’une souche locale est écartée ; l’hypothèse d’une introduction ponctuelle d’un ou quelques sangliers infectés demeure la plus probable, mais sans que l’origine géographique, à l’échelle nationale ou internationale, ne puisse être définie. Ce cas souligne l’intérêt de la surveillance événementielle par examen de carcasse du gibier qui a permis la détection de l’infection en 2015 chez un sanglier, alors que l’infection n’était présente qu’à très faible prévalence.